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Atelier dramatique : Cyrano de Bergerac- Non merci !

Les thèmes « Je me sens dépendant » et « Je me sens indépendant » et la tirade de Cyrano de Bergerac Non merci !.

Objectifs

  • Réaliser des thèmes de Conscience par l’expression dramatique.

Déroulement

  1. Présenter le thème d’Échange par une lecture de la fable Le loup et le chien.
  2. Demander aux participants à quel animal ils s’identifient ou quand ils s’identifient à ce personnage.
  3. Pairer les loups et les chiens, ou les Cyranos et les non-Cyranos et jouer cette fable ou cette tirade avec expression.
  4. Rassembler le groupe.
  5. Invieter les participants à exprimer leur vécu présent, et leur vécu habituel, reliés à des expériences semblables.
  6. Inverser les rôles : les loups deviennent des chiens, les non-Cyranos deviennent des Cyranos et vice-versa.
  7. Jouer en paires la fable ou la tirade.
  8. Rassembler le groupe.
  9. Exprimer son vécu de ce personnage.

 Variante

Employer un poème, une pièce de théatre, un personnage de film, de bande dessinée ou d’émission de télévision.

Intégration

« Qu’avez-vous découvert sur vos attitudes de dépendance et d’indépendance ? »
« Qu’avez-vous appris sur vous-mêmes en jouant ces rôles ? »

Perspective

Nous vivons souvent la dépendance et l’indépendance, deux tendances complémentaires


Cyrano de Bergerac – Non Merci !
Edmond Rostand

À Cyrano, qui sait écrire aussi bien qu’il sait se battre, on vient de proposer de devenir le poète attitré d’un important personnage. Mais il refuse, sachant que ce maître s’autorisera à faire modifier chaque écrit qui ne lui conviendra pas. Son refus insultant fait fuir les « messieurs » et inquiète ses amis.

CYRANO, saluant d’un air goguenard ceux qui sortent sans oser le saluer
Messieurs… Messieurs… Messieurs…
LE BRET, désolé, redescendant, les bras au ciel
Ah ! dans quels jolis draps…
CYRANO
Oh ! toi ! tu vas grogner !
LE BRET
Enfin, tu conviendras
Qu’assassiner toujours la chance passagère,
Devient exagéré.
CYRANO
Eh bien oui, j’exagère !
LE BRET, triomphant
Ah !
CYRANO
Mais pour le principe, et pour l’exemple aussi,
Je trouve qu’il est bon d’exagérer ainsi.
LE BRET
Si tu laissais un peu ton âme mousquetaire,
La fortune et la gloire…
CYRANO
Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce,
Grimper par ruse au lieu de s’élever par force ?
Non, merci ! Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci ! Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?…
Non, merci ! D’une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l’autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S’aller faire nommer pape par les conciles
Que dans des cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d’en faire d’autres ? Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu’aux mazettes ?
Être terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : « Oh ! pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François » ?…
Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
Préférer faire une visite qu’un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais… chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, – ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
LE BRET
Tout seul, soit ! mais non pas contre tous ! Comment diable
As-tu donc contracté la manie effroyable
De te faire toujours, partout, des ennemis ?
CYRANO
A force de vous voir vous faire des amis,
Et rire à ces amis dont vous avez des foules,
D’une bouche empruntée au derrière des poules !
J’aime raréfier sur mes pas les saluts,
Et m’écrie avec joie : un ennemi de plus !
LE BRET
Quelle aberration !
CYRANO
Eh bien ! oui, c’est mon vice.
Déplaire est mon plaisir. J’aime qu’on me haïsse.

 

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