entrevue d'affaires

Etre heureux en toutes situations

 Entrevue avec Barry Neil Kaufman

 

Vous avez écrit plusieurs livres qui traitent du sujet fondamental dans la vie, être heureux. Qu’est-ce qui caractérise votre approche ?

À l’aide d’un questionnement personnalisé, fait seul ou avec un mentor, on dénoue les nœuds qui nous empêchaient d’être heureux. Quand on découvre la croyance, l’attitude avec laquelle on s’empêchait d’être heureux, un espace s’ouvre et on est heureux, peu importe la situation.

Et voilà ! En use session j’apprends comment être heureux le reste de ma vie ?

Un instant ! On apprend à dénouer les obstacles intérieurs qu’on a acquis et qui nous rendent mal-heureux, qui nous rendent la vie inutilement pénible. Plusieurs situations peuvent ressembler au feu rouge qui nous barre la route. En prenant le temps de nous interroger, nous pouvons découvrir la raison de notre malheur. Cette raison a toujours un sens, c’est-à-dire qu’elle a eu une utilité dans notre vie jusqu’à maintenant. En en prenant conscience, nous pouvons réviser nos croyances, et celles qui ne nous conviennent plus tombent d’elles-mêmes, comme nos dents de lait ont tombé pour faire place à nos dents permanentes.

Si vous pouviez me donner un exemple, je comprendais mieux.

Bien sûr. Un père est malheureux parce que sa fille ne va pas à l’université alors qu’elle a toutes les aptitudes pour le faire. Dans le dialogue Option, il découvre qu’il a dû déployer de grands efforts pour étudier, en travaillant le jour et en allant à l’université le soir pendant 10 ans. «Mais moi, je veux lui éviter cette pénible ascension, elle pourrait avoir son diplôme à 25 ans plutôt qu’à 35 ans comme moi. Je suis prêt à lui rendre la vie facile et elle ne veut pas. Et tout à coup, il rougit, il a chaud et il ajoute : «J’ai compris. Je suis malheureux parce que ma fille ne veut pas mener ma vie à ma place. Je vois clair maintenant. Je ne peux que vivre ma vie et elle la sienne. Et tous les reproches que je lui ai faits n’ont fait qu’envenimer notre relation. Ça va. Je la laisse aller à sa façon. Je peux être fier d’avoir étudié par mes soirs ; cela ne l’engage pas à faire de même.» Sans persuasion ni de lui ni de moi, il voit clair et il change sans effort.

Si vous permettez, j’ajoute un exemple personnel. Un beau soir, nous ne retrouvions pas un de nos enfants, alors âgé de 3 ans. Comme nous vivons sur une grande propriété à la campagne, avec forêt, ruisseau, etc. Finalement nous avons fait appel à la police pour nous aider à le retrouver. Avec eux, notre personnel et quelques amis, nous nous sommes mis à sa recherche. Nous cherchions dans la bonne humeur. Un policier qui nous a entendu rire en a été choqué et s’est adressé à nous ainsi «Vous n’êtes pas sérieux. Nous recherchons votre fils et vous riez. Si vous n’êtes pas dans un stress profond, je ne vois pas pourquoi nous vous aiderions.» Évidemment, nous nous sommes tenus tranquilles pour obtenir leur aide. Mais cette situation m’a éclairé sur une partie de notre éducation ; nous avons appris que nous devons être malheureux dans pareille situation. Mais je crois que nous pouvons faire une meilleure recherche en forêt si nous sommes heureux et détentu que si nous sommes malheureux et tendus.

Si ça peut vous rassurer, nous l’avons retrouvé endormi dans un placard.

Vous avez d’abord appliqué cette approche à votre propre vie avant de l’enseigner à d’autres, si j’ai bien compris ?

Nous avions appris l’approche Option d’un prof lors d’un cours du soir à l’éducation des adultes. Puis, nous avons été confrontés à une des plus costaudes épreuves auxquelles des parents peuvent faire face. Raun, notre fils est devenu autiste : à un an et demi, il a cessé toute communication avec nous et s’est enfermé dans un monde où nous n’avions aucun accès. C’est tout à fait clair pour moi que nous avons réussi à rétablir le contact avec Raun grâce à cette attitude que nous avions développée, d’être d’abord heureux avec nous-mêmes et de l’accepter entièrement avant de penser à l’aider. Cette attitude, Aimer, c’est choisir d’être heureux, nous a permis d’obtenir des résultats dans des situations qu’on décrit souvent comme insolubles. Depuis plus de 40 ans, nous consacrons tout notre temps à enseigner cette approche. Quand je dis nous, je parle pour moi, Samahria mon épouse, et Raun lui-même qui a maintenant 40 ans et dirige le programme destiné aux enfants spéciaux.

Comment nous décririez-vous l’approche Option ?

Nous avons enseigné cette attitude dynamique à des dizaines de milliers de personnes de tous les continents. Nous utilisons un dialogue, qui amène les gens à explorer leur monde intérieur. Nos questions les amènent à se questionner eux-mêmes sur les sources de leur malheur. Quand on réussit à découvrir ce qui nous motivait à être malheureux, le bonheur prend sa place, tout naturellement.

Quand, par exemple, un parent dit à son enfant «Pourquoi ne te fais-tu pas couper les cheveux ?», ou quand une femme dit à son mari «Pourquoi rentres-tu si tard ?», ce ne sont pas vraiment des questions. Ce sont plutôt des accusations ou des jugements déguisés sous forme de questions. Celui qui se fait poser la question a l’impression qu’il doit rendre des comptes à son interlocuteur.

Les questions que nous posons sont de véritables cadeaux, des pistes qui aident la personne à se retrouver elle-même. En fait, elle se répond à elle-même et non à nous. Par exemple «Pourquoi êtes-vous -malheureux de cela ? Qu’est-ce qui vous dérange dans cette situation ? ou Si vous étiez tout de même heureux dans cette situation, qu’est-ce que vous penseriez de vous-même ?»

Nous acceptons vraiment toutes les réponses. Nous acceptons les personnes où elles sont et comme elles sont. Nous comprenons que chacun a ses raisons pour vivre comme il le fait.

Donc toute l’Option en termes d’un processus de dialogue pour des adultes est née d’une attitude.

Dans un dialogue Option nous essayons de comprendre pourquoi cette personne vit ce stress, nous l’aidons à trouver sa vérité sans l’analyser. En fait nous aidons les gens à se comprendre eux-mêmes, à prendre davantage confiance en eux. Nous voyons tomber une à une les barrières à cette confiance. Nous considérons que chacun est son propre expert propre. Avant de faire un travailé éducatif avec Raun nous avons d’abord nettoyé notre propre tristesse et retrouvé notre confiance en nous ; c’est ainsi que nous avons pu «inventer» notre propre approche.

La question est toujours POURQUOI se sentir malheureux de quoi que ce soit de toute façon ? Pourquoi nous imposons-nous ce fardeau ? Il y a toujours une raison à cela. Il y a toujours quelque chose que nous pensons et qui nous affecte ainsi, par exemple, si j’aime mon frère je dois être malheureux quand il se sent malheureux. Et après cette compréhension la question suprême se pose : «Dois-je être malheureuse pour montrer à mon frère que je me soucie de lui ? » Et alors on découvre qu’il peut y avoir une autre manière qui pourrait être plus avantageuse non seulement pour moi parce que je ne dois pas passer la tristesse mais c’est plus avantageux pour lui parce que moins je suis malheureux, plus je peux être efficace, plus je peux l’aider véritablement.

Quel genre du changement pouvez-vous susciter avec votre approche ?

Quand notre attitude nous pouvons voir des résultats étonnants dans de multiples domaines physique, émotionnel, éducatif, etc. Un homme avec qui j’ai travaillé a pu éviter une opération. Lors d’une séance marathon de dialogue Option nous avons exploré toutes les questions qu’il se posait, le risque de séquelles, la possibilité de sa mort, le deuil de son épouse et de son enfant. Il avait retrouvé une sérénité qu’il n’avait encore jamais ressentie. Il a créé son propre programme : de son propre chef, il a changé son alimentation, cesséde fumer, commencé à s’entrainer et pratiqué la visualisation créatrice. Son attitude envers son corps a changé radicalement. Sans effort il a changé bien des habitudes dans son mode de vie,

Ça peut sembler magique ; en fait, c’est l’effet psychosomatique de l’attitude sur le corps. Quand nous acceptons notre condition au lieu de lutter contre elle, les résultats qu’on peut obtenir sont souvent étonnants.

Dans Aimer, c’est choisir d’être heureux vous aviez bien décrit votre approche avec de nombreux exemples de dialogues réels, vécus. Alors pourquoi avoir écrit Le bonheur, c’est un choix ?

Dans l’un vous voyez à l’aide de dialogue comment plusieurs personnes dénouent leur nœuds intérieurs, remettent en question leurs croyances et leurs attitudes. Le lecteur, par identification, peut réviser ses croyances et éliminer certaines qui les rendent mal-heureux. On voit comment dénouer ces malheurs et se libérer, une croyance à la fois.

Nous avons animé des formations avec des dizaines de milliers de personnes qui venaient toutes avec le même but, apprendre à être davantage heureux. Nous avons demandé à tous et chacun comment ils procédaient pour pour être heureux. Parmi ces milliers de réponses nous avons identifié cinq tendances, six pistes qui valent pour tous et chacun et qu’on peut cultiver au jour le jour. Nous n’avons pas pour but d’imposer une recette pour être heureux, mais de fournir des ingrédients pour que chacun se concocte son propre menu.

Mais comment nos croyances peuvent-elles nous rendre heureux ou malheureux ?

Je pense à une situation vécue. Quand j’étudiais à l’université, j’avais un ami asiatique. Quand j’ai appris que sa soeur venait de mourir je suis aussitôt venu le voir pour le consoler. J’avais la gorge nouée parce que mon frère ainé était mort deux ans plus tôt. J’avais appris dans ma famille que c’était un événement effroyable. J’étais persuadé qu’il aurait la même réaction.

Quand je suis arrivé chez lui, il était assis dans sa chambre, recueilli devant une chandelle. Il avait un sourire sur le visage. Il m’a dit que sa soeur était partie et était devenue partie de l’univers lointain. Comme je le comprends, le deuil était pour lui un événement naturel.

Évidemment, quand un être cher meurt, nous avons appris à nous sentir angoissés. Nous considérons l’événement comme abominable. J’ai alors rencontré quelqu’un dont la soeur était morte et qui se sentait tout à fait bien. Cette histoire nous démontre l’impact des croyances. En un sens nous formons nos croyances que telles et telles choses sont épouvantables ou effrayantes ; et nous créons notre sens de la vie en voyant certaines choses comme des merveilles ou des catastrophes.

Tout événement peut être un malheur ou une bénédiction dans notre vie, selon l’attitude avec laquelle on l’aborde.

Automatiquement on dit : «J’ai perdu mon travail, c’est épouvantable ! J’ai fait faillite, c’est terrible ! Mon amoureuse m’a quitté, c’est horrible !» Et on se sent mal deux ou trois ans : on a mal à la tête, on pleure, on croit qu’on ne vaut plus rien. Combien de fois, quelque temps plus tard, la même personne dira : «J’ai perdu mon travail, au début je croyais que c’était épouvantable, puis j’ai lancé ma propre entreprise. Aujourd’hui je dirais que c’est la meilleure chose qui me soit arrivée.»

J’entends constamment des histoires semblables soulignant que nous pouvons faire de toute situation une merveilleuse opportunité. Quand nous avons créé l’institut, nous avons voulu vivre dans cette voie.

C’est là que vous dites que «Le bonheur, c’est un choix.

Si nous appelons la situation mal-heur, nous nous sentons tendus, inquiets, craintifs. Si nous l’appelons bon-heur, nous nous sentons détendus, motivés, confiants. Si nous laissions tomber la notion de mal-heur de notre système de croyance, nous aborderions toute situation comme une expérience à vivre pleinement. Nous pouvons choisir le genre d’expériences que nous voulons vivre. Si je suis malade, je peux être craintif, tendu, angoissé. Ou je peux voir que mon corps se défend pour rétablir son équilibre. Avec cette dernière attitude je peux apprendre beaucoup de choses sur moi-même et me développer.

Et si tout le monde faisait de même, ce serait la paix sur la terre, j’imagine !

Comme vous et bien des gens je veux vivre dans un monde en paix. Je me rappelle les manifestations pour la paix. Dans les réunions d’organisation c’était la bagarre, les cris, les hurlements ; c’était à qui allait prendre le contrôle, qui allait diriger, etc. Je crois inefficace d’apporter la paix au monde quand on est fâché. J’étais plutôt colérique à l’époque. Depuis, avec ce travail sur moi-même j’aborde les situations avec acceptation… disons la plupart du temps !

Nous pouvons aborder tout un chacun avec cette attitude, un frère, une soeur, un père, un voisin, un préposé au guichet, un conducteur d’autobus, une serveuse. De cette, nous pouvons vraiment apporter au monde une contribution valable. J’estime que si nous essayions d’apporter l’acceptation, si nous à quelqu’un l’occasion de vivre avec cette attitude, ne serait-ce que pendant une demi-heure, ou une journée, nous leur donnons une occasion magnifique.

 

Print Friendly, PDF & Email