entrevue d'affaires

La paix commence dans la famille : ma dernière entrevue avec Thomas Gordon, l’auteur de Parents efficaces

 

Points saillants

«J’ai décidé d’enseigner aux parents les mêmes techniques que les conseillers professionnels utilisent.»

«Je me suis rendu compte que ces enfants n’avaient pas de problèmes psychologiques : c’était une question de communication entre parents et enfants.»

«Je décidai de consacrer mon énergie à la formation et à la prévention. »

«Nous apprenons aux parents à parler avec leurs jeunes et à résoudre les problèmes avec eux.»

«Je suis préoccupé par le problème de la violence dans les familles.»

«Les parents commencent par des punitions douces et, puis ils utilisent des punitions de plus en plus sévères.»

«Les adolescents ne se rebellent pas contre leurs parents : ils se rebellent contre le contrôle qu’exercent leurs parents sur eux.»

«Quand nous disons « trouvons une solution acceptable pour nous deux » nous invitons l’enfant à coopérer.»

«Je suis contre la discipline imposée et pour l’autodiscipline.»

«Les familles ont besoin de règles. Les jeunes appliquent ces règles quand ils participent à ces décisions.»

Comment êtes-vous arrivés à créer une formation pour les parents ?

J’avais une pratiquais la psychothérapie et je voyais non seulement des adultes, mais aussi des enfants et des adolescents amenés par leurs parents qui espéraient que je puisse réparer ces jeunes et les rendre à leurs familles en meilleure forme.

J’ai découvert que ces parents avaient en commun certaines pratiques éducatives inefficaces. Ils utilisaient tous les récompenses et les punitions pour contrôler les comportements de leurs jeunes.

Dans la plupart de ces familles, les effets de cette l’approche de la carotte et du bâton éloignaient les parents des enfants; les enfants utilisaient alors différentes stratégies pour faire face au contrôle de leurs parents. Ces jeunes n’avaient pas besoin de thérapie; ils essayaient de faire face au contrôle.

Les problèmes des adolescents étaient causés par les méthodes que leurs parents utilisaient ?

Oui. Ces méthodes ont été utilisées pendant des siècles. Mais maintenant nous avons la preuve que la punition est une force de dissuasion très inefficace. Il rende les enfants agressifs, vindicatifs, révoltés ou encore soumis, docile et sans initiative.

En fait ces parents n’étaient pas abusifs; ils étaient tout simplement des parents autoritaires et leurs méthodes étaient, diriez-vous … dépassées ?

Soyons précis : ces parents n’utilisaient pas de méthodes brutales avec leurs enfants : ils utilisaient les mêmes méthodes leurs parents avaient utilisées avec eux. Ils faisaient au mieux de leur connaissance, mais ils créaient des relations tendues avec leurs jeunes.

Et j’ai pensé : « Il y doit avoir une meilleure façon! » J’étais convaincu que la psychologie humaniste appliquée à la famille s’avérerait plus efficace. Je pourrais peut-être enseigner aux parents les mêmes techniques que les conseillers professionnels utilisent et que j’enseignais aux chefs d’équipe en entreprise. J’ai décidé de leur enseigner à utiliser l’influence plutôt que le contrôle.

Je suis donc devenu un éducateur. Dès les premières rencontres de la première formation que j’ai animée les parents ont rapporté que leurs relations avec leurs jeunes s’amélioreraient et que les jeunes devaient de moins en moins venir me voir pour la thérapie.

En bref j’ai enseigné aux parents comment

  • Distinguer les problèmes qui leur appartiennent des problèmes qui appartiennent à leurs enfants
  • Écouter leurs enfants quand ils parlent de leurs problèmes et leur permettre de les résoudre eux-mêmes
  • Exprimer leurs besoins quand leurs enfants adoptent des comportements qui leurs sont inacceptables
  • Résoudre les conflits avec les jeunes et trouver avec eux des solutions mutuellement acceptables
  • Influencer constructivement leurs enfants et surtout leurs adolescents dans le développement de leurs valeurs.

Comme en entreprise, cette méthode s’avéra beaucoup plus efficace que la carotte et le bâton.

Vous enseignez donc les mêmes méthodes aux parents, aux enseignants et aux cadres pour résoudre les conflits.

Notre expérience avec plus de deux millions de participants a démontré que la méthode résolution des conflits par des solutions mutuellement acceptables améliore les relations et les comportements. Les parents, les enseignants et les cadres peuvent assez facilement la méthode gagnant-gagnant et l’utiliser à la maison, à l’école et au travail. Ils se sentent si bien après avoir ainsi résolu un conflit que souvent les membres d’une famille s’embrassent de joie.

Non seulement ils résolvent le conflit, mais ils améliorent leurs relations.

Oui. Ils font la paix et leurs relations deviennent plus profondes et plus solides. Ces méthodes fonctionnent aussi bien dans les entreprises et les institutions que dans des familles et les classes. La relation parent-enfant ressemble à la relation cadre-employé !

Quel est l’ingrédient de base de cette méthode ?

Notre approche fait maintenant partie du courant connu comme la gestion participative, où les employés participent aux décisions qui les concernent et à leur application. Quand ils sont engagés de cette façon ils sont plus motivés, ils font un meilleur travail et leurs relations avec leur patron sont meilleures. En d’autres termes, j’ai enseigné aux parents à employer la gestion participative dans leur famille.

Vous avez suivi votre intuition et avez appliqué votre créativité à la vie quotidienne. Ce type de pressentiment est souvent à l’origine d’une carrière remarquable.

J’ai été un du premier à appliquer la psychologie humaniste à la vie de famille, de classe et aux relations de travail. J’étais persuadé que je pourrais être utile aux parents en leur enseignant les procédés utilisés couramment en psychologie humaniste.

Comment avez-vous réuni votre premier groupe de parents ?

J’ai inscrit les parents d’adolescents que je voyais en thérapie!

Comment ont-ils réagi?

Leur réponse était si enthousiaste et les changements si remarquables que j’ai décidé d’offrir ce cours aux parents qui n’avaient pas encore rencontré de problème. Je les invitai à participer à Parents efficaces comme une formation avant les ennuis. J’ai définitivement pris la voie de la prévention.

Puis j’ai formé d’autres professionnels à enseigner Parents efficaces et Enseignants efficaces et Leaders efficaces dans leur milieu. C’est une initiative qui m’a amené à l’enseigner sur tous les continents.

Depuis sa création avez-vous beaucoup modifié votre cours ?

La base est restée la même. Nous avons fait beaucoup d’améliorations du matériel et des activités mais nous n’avons pas changé la méthode elle-même. La relation gagnant-gagnant reste le fondement. Nous avons ajouté des procédés de communication à employer quand il n’y a pas de problème, comme le message d’appréciation.

Dans un deuxième livre, Parents efficaces au quotidien, fondé sur des entrevues d’une centaine de parents qui appliquent cette méthode dans leur famille, je donne des précisions en réponse aux questions des enfants.

Dans un troisième livre, Éduquer sans punir, j’ai démontré avec de nombreuses recherches à l’appui que la méthode autoritaire et la méthode permissive, les récompenses et les punitions s’avèrent inefficace à améliorer les comportements des jeunes autant dans la famille que dans la classe. J’y présente neuf procédés concrets à employer pour cultiver des comportements constructifs et collaborateurs.

Toute nouvelle méthode risque être mal comprise. À quels malentendus avez-vous fait face?

Nous avons dû surmonter la pensée en noir et blanc : ou bien on est autoritaire ou bien on est laxiste. Nous enseignons que la méthode permissive est tout aussi nuisible pour les enfants que la méthode autoritaire. Les jeunes qui sont élevés dans le laisser-faire sont généralement égoïstes et peu coopérateurs ; ils se sentent peu sûrs d’eux et souvent coupables parce qu’ils obtiennent tout ce qu’ils veulent et ne se préoccupent pas du bien-être de leurs parents.

Nous devons souligner très fortement que notre méthode n’est pas permissive, mais une approche participative, démocratique, où on veut respecter les besoins des parents et les besoins de l’enfant.

Dans la formation Parents efficaces vous enseignez aux parents à être affirmatifs face à leurs enfants. Les parents autoritaires ne seraient pas assez affirmatifs ?

Les parents autoritaires sont abusifs. Ils dévalorisent l’enfant avec des messages comme «Tu me donnes mal à la tête!», «Tu as gâché ma journée!», «Tu es impoli, mal élevé!», «Tu me donnes des cheveux gris! » Un parent autoritaire blâme l’enfant pour ce qu’il fait.

Nous avons la preuve scientifique que les parents des enfants battus utilisaient d’abord des punitions douces, puis quand « la punition douce » ne fonctionnait pas, ils les frappent plus durement, avec une règle, une ceinture, puis des coups pour amener leur enfant à se soumettre.

Ces méthodes n’ont jamais très bien fonctionné : les jeunes ont été rebelles, génération après génération, résistant au contrôle de leurs parents. Les adolescents ne se rebellent pas contre leurs parents, ils se rebellent contre le contrôle parental.

J’ai récemment vu un une entrevue avec un psychanalyste qui affirme que les jeunes doivent se rebeller. S’ils ne révoltent pas contre leurs parents, ils ne pourront pas développer leur personnalité propre. Qu’en dites-vous ?

J’ai souvent entendu dire qu’il est inévitable que les jeunes se rebellent contre leurs parents. J’estime que c’est une demi-vérité. Si les parents utilisent le contrôle, il vaut mieux pour le jeune de se rebeller que de devenir timide et soumis ou de se replier, on de se réfugier dans l’alcool ou la drogue.

Les mêmes psychanalystes s’objectent aux relations de copain entre parents et enfant. Ils disent qu’il doit y avoir un patron et un subalterne, autrement le jeune ne formera pas son identité propre.

Il n’y a pas si longtemps, beaucoup de professionnels affirmaient que les femmes avaient besoin d’un homme qui les domine. Je crois que les enfants n’ont pas besoin de parent dominateur mais de parents authentiques, des interlocuteurs valables, qui tiennent compte de leurs besoins et qui affirment les leurs. Nous devons réviser cette partie de la psychologie. Ce sont les personnes qui veulent exercer le contrôle qui prétendent que les jeunes ont besoin d’être contrôlé. Ou encore ils affirment qu’ils doivent contrôler parce qu’ils sont plus intelligents et plus expérimentés.

Dans quelle nouvelle direction orientez-vous vos énergies maintenant ?

Nous sensibilisons les gens dans le monde entier à la résolution de conflit gagnant-gagnant. Évidemment, les conflits sont inévitables entre les personnes et les nations, mais on peut apprendre à les résoudre à la satisfaction mutuelle.

Pouvez-vous vraiment traiter les enfants comme on traite les adultes ?

Bien, les enfants ont plus capacités que nous croyons… tant qu’on ne leur donne pas l’occasion de faire preuve de responsabilité ! Les parents utilisent notre méthode avec des enfants de deux ou trois ans. Ces bambins peuvent participer à une résolution de conflit, aussi bien que les jeunes plus âgés. Ils ont des idées, ils savent quand ils se sentent bien et leurs parents aussi et ils peuvent inventer des solutions originales.

Donc la solution vient parfois de l’idée de l’enfant.

J’ai tas d’enregistrements de bande que nous utilisons pour démontrer ces méthodes, où nous entendons ces jeunes inventer des solutions originales. Quand nous disons «Réfléchissons et trouvons une solution acceptable pour nous deux» nous invitons l’enfant à être créateur et collaborateur.

Ce modèle s’applique-t-il dans différentes cultures?

Elle est appliquée dans des cultures très différentes sur tous les continents de notre planète.

On apprend notre programme dans 42 pays dans 22 langues. Nous adaptons les situations que nous utilisons dans les jeux de rôle. Par exemple, dans beaucoup de pays nous utilisons des situations où l’enfant ne tient pas sa chambre propre. Par exemple, dans beaucoup de pays beaucoup d’enfants n’ont pas de leur propre chambre. Mais ce sont des changements mineurs. Ainsi le contenu des conflits varie mais la méthode reste universelle. Quand deux personnes entrent en conflit, il y a trois possibilité, vous gagnez et je perds, je gagne et vous perdez ou nous trouvons une solution où chacun sera satisfait.

Votre méthode s’applique-t-elle bien dans les écoles ?

Les écoles, sont des institutions particulièrement autoritaires, où les jeunes sont contrôlés dans chaque aspect de leur comportement, où ils doivent demander la permission pour tout. On dit aux jeunes quoi apprendre, quand l’apprendre et même comment l’apprendre.

Nous voyons des changements dans les classes ou tout enseignant peut établir avec ses élèves la relation de son choix. Pour que ces changements influencent l’école entière car cette institution fait partie d’une organisation qui change plus lentement. La marge de liberté de l’enseignant est limité par de nombreux règlements locaux, régionaux, nationaux.

Vous êtes enthousiaste face aux résultats que vous voyez chez les participants à vos formations. Ces résultats ont-ils été confirmés par des recherches objectives, rigoureuses ?

Plus d’une centaine de recherches ont évalué Parents efficaces et une vingtaine a évalué Enseignants efficaces et autant pour Leaders efficaces. Toutes ces études ont été faites par des chercheurs indépendants dans des universités et des institutions. Et les résultats sont très positifs.

Après Parents efficaces, les participants ont plus confiance en leurs compétences parentales, acceptent mieux leurs enfants, comprennent mieux les besoins des jeunes, sont plus démocratiques, et plus communicatifs. Leurs enfants sont plus heureux, ont davantage confiance en eux-mêmes, ont moins de comportements problèmes, ont de meilleurs résultats scolaires et sont mieux appréciés par leurs camarades.

Beaucoup de parents ont dit en entrevue que Parents efficaces a transformé leur famille ; certains ont affirmé que cela a sauvé leurs jeunes de la drogue. L’effet est profond et durable tant chez des parents que chez les enfants.

Des recherches semblables ont-elles évalué Enseignants efficaces ?

Dans leur livre On n’apprend pas d’un prof qu’on n’aime pas, David Aspy et Flora Roebuck ont réuni deux douzaines de recherches ou ils ont constaté que des enseignants pratiquant l’écoute active, l’expression congruente et la résolution de conflit gagnant-gagnant transforment la qualité de leurs relations avec leurs étudiants. Leurs recherches ont montré que les étudiants des enseignants formés à Enseignants efficaces, font moins de vandalisme, ont moins d’absentéisme, moins de retard, moins de comportements perturbateurs. Ils ont aussi obtenu des notes plus hautes, et de meilleurs résultats dans des tests standardisés en compétences verbales et mathématiques, et en capacité de raisonnement.

Non seulement leurs étudiants sont plus coopérateurs, mais aussi ils apprennent davantage.

Quel est votre nouveau champ d’intérêt ?

Dans mon livre Éduquer sans punir, je présente de nouvelles méthodes pour amener les jeunes à pratiquer l’autodiscipline, et à développer de la considération pour le bien-être des autres, collaborer parce qu’ils choisissent de le faire et non par crainte de punition.

Je suis très enthousiasmé de la sorte d’enfants que cette philosophie d’autodiscipline produira tant dans les familles que les écoles. Beaucoup de recherches confirment que les parents et les enseignants qui emploient cette méthode amènent les jeunes à mieux distinguer un comportement utile et un comportement nuisible et participent à l’établissement et l’application des règles régissant le groupe.

Donc vous n’êtes pas contre la discipline ?

Je suis contre la discipline imposée. Je suis en faveur de l’autodiscipline. N’est-ce pas ce que nous voulons tous ?

Comment établir des règles en famille et en classe ?

Comme tout groupe, les familles et les classes ont besoin de règles. Si vous et moi avons une relation, vous devez comprendre mes besoins et je dois comprendre les vôtres. Puis nous devons établir des ententes claires. Nous amenons les jeunes à participer à l’établissement des règles que tous s’engagent à appliquer. Les jeunes acceptent et appliquent les règles qu’ils ont participé à établir

Vous développez ainsi le sens de l’appartenance, le fondement des relations. Vous voulez que les règles s’appuient sur le respect mutuel plutôt que sur une décision imposée.

Essentiellement nous apprenons la démocratie en la vivant, en engageant les jeunes dans les décisions qui les concernent. La démocratie fonctionne avec des participants actifs et engagés.

La plupart des gens pensent que les psychologues sont dans leur tour d’ivoire, font de la recherche et évaluent les gens. Vous agissez différemment.

En psychologie humaniste, nous travaillons directement avec les gens. Nous travaillons à améliorer la vie sociale, la vie ai travail, la vie conjugale, les relations entre adultes et entre enfants et finalement entre les nations.

Ainsi vous voulez construire la paix et la démocratie par la formation et l’éducation.

Oui. Nous avons découvert que les jeunes dont les parents ont participé à Parents efficaces sont devenus plus démocratiques quand ils deviennent parents à leur tour. Donc cet effet s’étend d’une génération à l’autre. C’est très encourageant pour l’avènement d’un monde ou fleurit la paix.

Bibliographie

 

Livres de Thomas Gordon en français

Parents efficaces, Éditions Mrabout.

Enseignants efficaces, Nouvelle édition, Éditions de l’Homme.

Éduquer sans punir, Éditions de l’Homme.

 

Formations

 

Les formations Parents efficaces, Enseignants efficaces, Communication efficace, Jeunes efficaces

sont offertes par les organismes suivants :

 

Belgique

École des parents et des éducateurs

rue de Stalle, 96 – 1180 Bruxelles

Tél. : 02/ 733.95.50

www.ecoledesparents.be

 

Canada

Institut de développement humain

Place du parc CP 2, Montréal, H2X 4A3
Tél. (1) 514-335-1441

www.developpement-humain.com

 

France

Atelier Gordon Parents
128, bd Malesherbes, 75017 Paris
Tel: 09 65 19 43 26
www.ateliergordon.com

 

 

Print Friendly, PDF & Email