À l’école comme à la maison, l’enseignant qui se faisait craindre était, comme le parent autoritaire, reconnu pour avoir de la discipline donc compétent. C’est ainsi qu’il y a près de trente ans que j’ai été parachutée dans un système scolaire où les valeurs mises de l’avant consistaient à maintenir l’ordre extérieur, à se faire respecter comme l’autorité infaillible, à établir unilatéralement les règles et à faire la morale aux enfants pour en faire des citoyens respectables et surtout respectueux des autres.
Mon rêve d’enseignante étant de comprendre les enfants et de vivre dans un climat chaleureux à l’école. Je me sentais en pleine contradiction d’autant plus que j’étais consciente des effets anarchiques du laisser-aller. Que faire, sinon trouver un moyen terme ? À la lumière de mes connaissances sur le développement de l’enfant et en utilisant au mieux certains outils didactiques, je faisais tout pour que les enfants se sentent heureux et progressent dans leurs apprentissages. Ils et elles réussissaient, mais dépendaient en même temps beaucoup de moi. En fait, j’avais le sentiment que tout reposait sur mon dévouement : j’étais comme enfermée dans un rôle où mes besoins personnels y étaient laissés pour compte et mon degré de satisfaction très relatif.
Cette constatation m’amena à me questionner sérieusement sur mon orientation professionnelle, jusqu’au jour où j’entendis parler de l’approche gagnant gagnant de Thomas Gordon. Vivement intéressée, je me suis vite procuré le livre, même s’il portait le titre Parents efficaces. Je me suis rendue compte que cette méthode me serait très utile et ferait toute la différence dans la gestion de ma classe. C’est pourquoi je me suis inscrite à la formation. Étant plus outillée, j’ai changé mon mode d’interventions et voici ce que j’ai pu constater.
Par l’écoute active où j’accueille sans juger ce que l’enfant a besoin de dire, il ou elle révèle peu à peu ses sentiments profonds. Puis, libéré de ce qui le tracasse, au clair avec ses besoins fondamentaux, l’enfant montre plus d’intérêt pour ses apprentissages et les réussit mieux. Sa capacité d’apprendre s’accroît, puisqu’il découvre sa propre motivation.
Par le message je, j’ai découvert que je n’avais pas à être une enseignante sur qui tout repose. En effet, les enfants sont capables de comprendre que, moi aussi, je suis une personne humaine, ayant des besoins dont ils apprennent à tenir compte. Ainsi je ne suis pas la seule responsable du bon fonctionnement du groupe.
Avec la résolution de conflit, ils se voient reconnus comme personnes et se montrent progressivement aptes à collaborer dans un groupe où ils n’ont pas à défier ou à se soumettre à une autorité qui détient le pouvoir de récompenser et de punir. Le «aimez-vous les uns les autres» ne peut s’imposer. L’amour n’est plus qu’un principe : il prend son vrai sens par l’affirmation de soi et l’ouverture à l’autre. Cela devient : «J’ai des besoins, tu as des besoins et nous y gagnons à les gérer ensemble.» Grâce à cette attention pour les deux, l’amour s’installe dans la relation.
C’est ainsi qu’au lieu de déserter la profession comme j’ai été tentée de le faire, ma découverte de l’approche Parents efficaces, puis par la suite de Enseignants efficaces a fait de moi une enseignante heureuse et compétente. En traitant chaque enfant avec respect et équité, je contribue à agrandir le cercle des gens sereins, prélude à la paix mondiale.
