2 parents qui aident au coloriage de 2 enfants

Récompenses et compliments: interventions risquées

 

On utilise habituellement les récompenses pour contrôler le comportement d’un enfant. Les parents comptent beaucoup sur les récompenses. Ils offrent de l’argent pour amener l’enfant à faire des travaux ménagers, un dessert pour leur faire manger ses légumes, affichent des étoiles d’or pour les motiver à brosser leurs dents régulièrement et promettent des cadeaux s’il s’applique dans ses travaux scolaires.

Les parents utilisent aussi souvent les compliments: «Tu es un bon garçon ! « «Tu es gentille. « «comme tu es intelligent. « «Tu montres qu’on peut te faire confiance.»

Les parents et les enseignants assument que les récompenses sont efficaces, même si l’expérience nous confirment qu’elles ne fonctionnent pas très bien.

 

Inconvénients des récompenses

La motivation extérieure supplante la satisfaction intérieure.

Les enfants deviennent dépendants des récompenses : ils s’attendent à les recevoir et n’agissent que s’ils sont complimentés et récompensés. «Aimes-tu mon image ?» «J’’ai nettoyé ma chambre, puis-je avoir de l’argent pour aller magasiner?» En les utilisant on apprend aux enfants qu’ils devraient obtenir une sorte de paiement ou d’approbation pour leurs bons comportements.

Le même réflexe une fois installé se manifeste par des questions comme «Prof, est-ce que ce travail compte pour les notes ?» et selon la réponse l’élève décide de s’appliquer ou non. Il ne vise pas à donner le meilleur de lui-même et à être fier de soi mais à obtenir une récompense sous forme de notes.

Les enfants éduqués dans leur famille et à l’école sans récompense mais avec comme base la fierté de ce qu’ILS accompliSSENt, donnent le meilleur d’eux-mêmes en tout temps et non quand on leur fait miroiter une récompense, comme une friandise, une sortie, de bonnes notes sur leur bulletin, etc.

Ils s’habituent à recevoir souvent des compliments et des récompenses. Quand ils ne les obtiennent pas ils sont peu motivés à agir et encore moins à fournir des efforts. Ils perçoivent l’absence de récompense comme une punition. Ils vont à la pêche aux compliments et recherchent l’approbation.

Ils retirent peu ou pas de satisfaction de leurs activités et de leurs accomplissements ; on les prive ainsi du plaisir de simplement faire des choses pour leur valeur propre.

 

Les mirages de la récompense

Habitués aux récompenses dans son jeune âge, l’adulte reste vulnérable et même dépendant de tout ce qui est ou semble être une récompense. Ainsi les commerçants, les vendeurs, les publicitaires promettent des récompenses si on achète leur produit. Les politiques se font élire en promettant des avantages à venir. Les loteries remplissent leurs coffres et les commerçants vendent un produit en ajoutant comme appât «Courez la chance de gagner…» On ne prend alors pas le soin de calculer les probabilités qu’on a de gagner et combien coûte ce billet de loterie. Ce réflexe empêche la personne de recourir à son propre centre d’évaluation, d’assumer sa responsabilité, d’agir de façon autonome.

On détourne le besoin fondamental d’estime de soi en ajoutant «Vous le méritez bien!» alors que cette évaluation de ce qui constitue un élément valable pour soi est évalué et valorisé par un autre… qui en retire les bénéfices. On croit encore au Père Noël, aux services gouvernementaux «gratuits», aux baises d’impôt et augmentation des services, bref à une récompense qu’une autorité nous accorderait pour avoir fait ce qu’elle désire.

 

Le compliment comme contrôle

Les jeunes se rendent compte que les adultes, parents, enseignants, éducateurs, moniteurs, entraineurs, etc., emploient les récompenses et les compliments pour les contrôler

Quand on utilise le compliment pour «motiver» les enfants, en réalité on exerce une pression, sucrée bien sûr, pour qu’ils fassent ce qu’on veut. Exemples :

  • «Tu es un bon garçon, une bonne fille.»
  • «Tu as fait la bonne chose.»
  • «Ça c’est intelligent.»
  • «C’est excellent.»

L’intention du complimenteur est en général de renforcer (récompenser) un comportement qu’il souhaite. Chaque compliment a pour but sous-entendu de changer l’enfant. C’est un ordre caché, enrobé de miel. Le compliment semble émis pour l’avantage du complimenteur. Les parents et les enseignants qui utilisent le compliment de cette façon sont perçus par les jeunes comme manipulateurs, contrôlants et pas vraiment sincères.

Plusieurs compliments contiennent une critique indirecte. Exemples :

  • «Tu conduis beaucoup mieux aujourd’hui.»
  • «Tu as beaucoup progressé, mais tu as encore besoin de t’améliorer.»

Cette pression subtile devient encore plus évidente avec la «technique du sandwich» : elle consiste à insérer un message critique entre deux messages compliments. Les enfants se rendent compte que l’intention réelle est de critiquer. Exemple :

  • «En général tu gardes bien tes choses en ordre et on peut voir une belle chambre rangée quand on ouvre la porte. C’est bien !»
  • «Mais aujourd’hui, je constate que tu te laisses aller et j’aurais honte de montrer ta chambre à mes visiteurs.»
  • «Je sais que c’est une exception, un oubli de ta part et que tu te reprendras vite et reviendras propre et ordonné comme avant !»

Le compliment sonne parfois faux. En effet, les parents et les enseignants recherchent alors un élément pour complimenter l’enfant. Mais si le jeune n’a pas la même perception, il rejette ouvertement ou silencieusement le compliment.

  • «C’est un beau dessin.»
  • «Non, il n’est pas beau. Je le déteste.Tu dis ça seulement pour me faire plaisir.»

L’enfant doute alors de l’intégrité de l’adulte.

 

Les compliments suscitent la compétition

Quand un enfant en voit un autre recevoir une récompense ou un compliment, il a tendance à rechercher le même bénéfice. Il se plaint aussi de ne pas avoir la même chose que l’autre.

  • «Comment se fait-il que tu lui as acheté un nouvel ensemble et que tu ne m’en as pas acheté un?»

 

Démotivation

Les gens à qui on offre souvent des récompenser ont tendance à choisir des tâches plus faciles, pour être sûrs de réussir et de recevoir un compliment. Ils sont plus conformistes, moins efficaces, moins créateurs.

 

Les effets des récompenses diminuent avec le temps

Or, plus les enfants grandissent, moins ils dépendent des récompenses. Bientôt ils peuvent gagner leur argent, acheter leurs propres divertissements, utiliser leur propre transport, etc.

 

L’appréciation, plus efficace que le compliment

Un message clair qui communique à l’enfant comment son comportement nous fait plaisir, exprimé simplement et sincèrement pour transmettre la satisfaction qu’on éprouve est mieux reçu par l’enfant et entretient mieux la relation.

Le compliment est une évaluation positive de l’autre personne, mais qui reste un jugement.

L’appréciation est une expression de soi : il communique ce que je ressens, comment son comportement m’affecte d’une façon agréable. Comparons.

Compliment Appréciation
«Tu as une belle voix.» «J’aime t’entendre chante.»
«Tu as bien nettoyé l’atelier.» «J’aime travailler dans un atelier propre et dégagé.»
«Tu montres que je peux te faire confiance. «Je suis rassuré quand tu m’appelles, tel que convenu, pour me dire quand tu entreras.»

 

Accueillir les expériences de réussite

Souvent les parents et les enseignants s’approprient les réussites de l’enfant en évaluant positivement son travail, son initiative ou son comportement. Pour l’enfant cette expérience est censée être valable parce qu’elle plaît à l’adulte.

Or il est plus important qu’elle plaise d’abord à l’enfant. C’est ainsi qu’on lui permet de développer sa motivation intérieure. Le message de l’éducateur peut alors consister à constater, confirmer, observer la réussite du jeune, sans l’évaluer. Comparons

L’enfant vient de réussir à nager jusqu’à l’autre côté de la piscine, il s’exclame, tout content :

«J’ai traversé toute la piscine sans arrêter!»

Le parent passe son jugement Le parent accueille la réussite de l’enfant
«C’est bien ça. Là tu sais nager.» «Tu es fier d’avoir traversé toute la piscine d’un seul coup.»

L’enfant vient de faire un dessin qui le ravit, il s’exclame, tout fier :

«Regarde ce que j’ai fait!»

Le parent passe son jugement Le parent accueille la réussite de l’enfant
«Oh! C’est beau! C’est un beau dessin.»

Et souvent il ajoute : «Est-ce que ce sont des nuages?»

«Tu as dessiné ça comme tu voulais. Tu as réussi ton œuvre.»

 

L’appréciation et l’accueil visent à développer la motivation intérieure et l’autonomie de l’enfant, qui apprend ainsi à faire quelque chose parce qu’il en retire une satisfaction personnelle et à être fier et content quand il atteint les buts qu’il s’était fixés.

 

Accompagner l’enfant dans la réalisation de ses buts

La motivation intérieure consiste à être fier de soi et à être content d’atteindre ses propres buts. On peut accompagner un enfant, un adolescent dans l’atteinte de ce type de satisfaction. On utilise les étapes suivantes :

  1. L’inviter à se fixer un but à la fois mobilisateur et réalisable.
  2. Établir un plan d’action.
  3. Obtenir de l’aide si nécessaire.
  4. Évaluer lui=même ses résultats.
  5. Apprécier sa réussite.

Par exemple, un jeune

  1. se donne comme but de jouer plus souvent dehors,
  2. établit une liste d’activités qu’il pourrait faire – sports, promenades, baignades, etc. –
    1. puis une liste d’amis avec qui il pourrait pratiquer ces activités,
    2. et un horaire, un moment ou cela lui conviendrait le mieux,
  3. et même un plan de rechange pour les jours de pluie.

Ce plan s’étale sur une durée d’autant plus courte que le changement de comportement est plus difficile à obtenir et que l’enfant est jeune; ce pourrait être un mois chez l’adolescent, une semaine chez l’enfant et même une journée chez un enfant plus jeune.

  1. À la fin de cette période, on invite le jeune à réviser son action, à évaluer l’atteinte de ses buts
  2. et à se féliciter lui-même de ses accomplissements.

Peu importe le résultat, on accompagne alors l’enfant ou l’adolescent à se fixer de nouveaux objectifs, dresser un nouveau plan, etc.

L’autovalorisation n’exclut pas l’appréciation de la part de l’adulte, mais celle-ci a avantage à jouer le rôle secondaire. Pour ce faire, on a avantage à faire part de notre perception en un autre moment, pour laisser le jeune maître de ses plans et de sa vie.