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Activité dramatique : Cyrano de Bergerac- Dernière scène

Objectifs 

  • Préciser les sentiments que nous sommes disposés à exprimer et ceux que nous ne sommes pas disposé à exprimer.
  • Comprendre nos réserves dans l’expression de nos sentiments.

Déroulement

  1. Des volontaires préparent, répètent la scène finale de Cyrano de Bergerac.
  2. Ils/elles la jouent devant le groupe dans le texte intégral ou en l’improvisant.

Intégration

Poser d’abord ces questions aux spectateurs.
Les poser ensuite aux acteurs.
« Quels sentiments Cyrano n’a pas révélé à Roxane ? »
« Qu’est-ce qui le motivait à agir ainsi ? »
« Que comprenait Roxane dans l’attitude de Cyrano ? »
« Quels ressemblances et différences y voyez-vous avec votre expérience personnelle ? »      


Cyrano de Bergerac – Dernière scène
Edmond Rostand

Cyrano :

Le Bret, je vais monter dans la lune opaline,

Sans qu’il faille inventer, aujourd’hui, de machine. . .

Le Bret :

Que dites-vous ?

Cyrano :

Mais oui, c’est là, je vous le dis,

Que l’on va m’envoyer faire mon paradis

Plus d’une âme que j’aime y doit être exilée,

Et je retrouverai Socrate et Galilée !

Le Bret : (se révoltant) :

Non, non ! C’est trop stupide à la fin, et c’est trop

Injuste ! Un tel poète ! Un cœur si grand, si haut !

Mourir ainsi !. . .Mourir !. . .

Cyrano :

Voilà Le Bret qui grogne !

Le Bret :(fondant en larmes) :

Mon cher ami. . .

Cyrano :(se soulevant, l’oeil égaré) :

Ce sont les cadets de Gascogne. . .

— La masse élémentaire. . .Eh oui !. . .voilà le hic. . .

Le Bret :

Sa science. . .dans son délire !

Cyrano :

Copernic

A dit. . .

Roxane :

Oh !

Cyrano :

Mais aussi que diable allait-il faire,

Mais que diable allait-il faire en cette galère ?. . .

Philosophe, physicien,

Rimeur, bretteur, musicien,

Et voyageur aérien,

Grand riposteur du tac au tac,

Amant aussi—pas pour son bien !—

Ci-gît Hercule-Savinien

De Cyrano de Bergerac,

Qui fut tout, et qui ne fut rien,

. . .Mais je m’en vais, pardon, je ne peux faire attendre :

Vous voyez, le rayon de lune vient me prendre !

(Il se retombé assis, les pleurs de Roxane le rappellent à la réalité, il la regarde, et caressant ses voiles) :

Je ne veux pas que vous pleuriez moins ce charmant,

Ce bon, ce beau Christian ; mais je veux seulement

Que lorsque le grand froid aura pris mes vertèbres,

Vous donniez un sens double à ces voiles funèbres,

Et que son deuil sur vous devienne un peu mon deuil.

Roxane :

Je vous jure !. . .

Cyrano : (est secoué d’un grand frisson et se lève brusquement) :

Pas là ! non ! pas dans ce fauteuil !

(On veut s’élancer vers lui) :

— Ne me soutenez pas !—Personne !

(Il va s’adosser à l’arbre) :

Rien que l’arbre !

(Silence) :

Elle vient. Je me sens déjà botté de marbre,

— Ganté de plomb !

(Il se raidit) :

Oh ! mais !. . .puisqu’elle est en chemin,

Je l’attendrai debout,

(Il tire l’épée) :

et l’épée à la main !

Le Bret :

Cyrano !

Roxane : (défaillante) :

Cyrano !

(Tous reculent épouvantés.)

Cyrano :

Je crois qu’elle regarde. . .

Qu’elle ose regarder mon nez, cette Camarde

(Il lève son épée) :

Que dites-vous ?. . .C’est inutile ?. . .Je le sais !

Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès !

Non ! non ! c’est bien plus beau lorsque c’est inutile !

— Qu’est-ce que c’est tous ceux-là ?—Vous êtes mille ?

Ah ! je vous reconnais, tous mes vieux ennemis !

Le Mensonge ?

(Il frappe de son épée le vide) :

Tiens, tiens !—Ha ! ha ! les Compromis !

Les Préjugés, les Lâchetés !. . .

(Il frappe) :

Que je pactise ?

Jamais, jamais !—Ah ! te voilà, toi, la Sottise !

— Je sais bien qu’à la fin vous me mettrez à bas ;

N’importe : je me bats ! je me bats ! je me bats !

(Il fait des moulinets immenses et s’arrête haletant) :

Oui, vous m’arrachez tout, le laurier et la rose !

Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose

Que j’emporte, et ce soir, quand j’entrerai chez Dieu,

Mon salut balaiera largement le seuil bleu,

Quelque chose que sans un pli, sans une tache,

J’emporte malgré vous,

(Il s’élance l’épée haute) :

et c’est. . .

(L’épée s’échappe de ses mains, il chancelle, tombe dans les bras de Le Bret et de Ragueneau.)

Roxane : (se penchant sur lui et lui baisant le front) :

C’est ?. . .

Cyrano : (rouvre les yeux, la reconnaît et dit en souriant) :

Mon panache.

Rideau.