Chagrin d'école

Chagrin d’école

Daniel Pennac

Éditions Gallimard, 2009, 296 pages

Prix Renaudot

Ce récit alterne entre les quatre vies de l’auteur : cancre jusqu’à 14 ans, étudiant soutenu par des profs ouverts, prof de français dans différents milieux puis, à sa retraite, écrivain connu qui rencontre assez souvent des groupes d’élèves de quartiers variés.

Il nous fait pénétrer dans le monde intérieur du cancre, qui vit sous une menace constante, évolue dans un milieu dont il ne comprend pas les codes et dont il doit se défendre, souvent en mentant, en inventant des excuses qu’il ne croit pas et qu’à son avis les profs ne croient pas non plus mais enregistrent pour la forme.

Les profs qui l’ont amené à comprendre, puisque apprendre c’est la joie de comprendre, ont tout simplement ouvert la prison de la croyance qu’il ne réussirait jamais. Le prof qui l’a le plus marqué lui disait calmement et en souriant «Tu sen ais beaucoup plus que tu ne le crois.» ou «Prenons quelques minutes pour en parler ensemble et à la fin tu comprendras.»

Une fois prof il éprouve de l’affection pour les élèves brillants tout comme les plus batailleurs contre le savoir. Il incarne son enseignement dans le quotidien des jeunes, leur présente des exigences élevées et travaille avec eux par le dialogue et la discussion. Il leur fournit méthodiquement des outils pour qu’ils comprennent leur propre monde et maîtrisent leur intellect. Il exige qu’ils apprennent par cœur des textes phares… et les mémorise aussi lui-même.

Écrivain, il utilise sa capacité d’inventer des histoires et de les faire croire aux autres. Mais c’est surtout son observation des gens, sa compréhension des jeunes par son souvenir ému de son enfance et son adolescence qui lui sert de matière à pétrir ses récits. Il retrouve la chaleur de l’échange avec les jeunes dans ses rencontres avec des classes à titre d’écrivain. Il passe des heures à répondre à toutes leurs questions, à provoquer leur réflexion et leur tendre des planches sur lesquelles ils pourront flotter en toute autonomie.

Le récit se lit comme un roman. On y vogue des souvenirs d’enfance à des rencontres actuelle, à des dialogues entre l’écrivain qu’il est devenu, le prof qu’il ne cessera jamais d’être et l’enfant qui posent encore de solides questions.

À la page 267 il donne un avis éclairé : «La formation des enseignants sera de plus en plus axée sur la maîtrise de la communication avec les élèves.» Plus loin il nous révèle la clé qui permet à un prof d’éduquer un jeune : l’amour. Voici donc révélés tous les secrets d’un grand pédagogue… qui réclame plus de profs qui ont été des cancres pour les comprendre, les accompagner, les aider.

 

Note : Dans la recherche de la cause de sa cancrerie, de son incapacité soudaine à comprendre, vers l’âge de 6 ans, l’auteur mentionne qu’il est tombé dans un camion poubelle et y est demeuré plusieurs heures. Il a alors subi un traitement à fortes doses d’antibiotiques. On sait maintenant que ces traitements effacent souvent des réseaux de compréhension inscrits dans le cerveau.

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