entrevue d'affaires

Entrevue avec Carl Zaiss, coauteur de Vendeur efficace

 

Comment en êtes-vous venu à écrire ce livre?

J’étais insatisfait des méthodes de vente que j’avais apprises. J’ai été vendeur depuis que j’ai terminé mes études, dans différents domaines, et en particulier dans l’hôtellerie. À plusieurs reprises, dans ma carrière, j’étais frustré du métier de vendeur, je perdais l’envie de vendre. Et alors «pour changer le mal de place», je devenais directeur des ventes, gérant des opérations, etc. Après plusieurs années, comme directeur des opérations, la vente me manquait. Alors je retournais travailler comme vendeur. Et après quelques années comme vendeur, mes frustrations m’amenaient à retourner à la gestion jusqu’à ce que la vente me manque, etc. Après plusieurs allers-retours, j’ai constaté qu’en réalité c’était l’expérience profondément satisfaisante de la vente qui me manquait le plus.

J’appliquais les étapes de la vente telles que je les avais apprises dans mes études.  Je croyais que la vente, telle que je l’avais étudiée, consistait à faire acheter par un client quelque chose quand nous avions décidé qu’il en avait besoin. J’étais mal à l’aise d’employer ces techniques. Je croyais que la relation entre client et vendeur pourrait se fonder sur des bases beaucoup plus saines. C’est alors que j’ai rencontré Thomas Gordon et j’ai vu que le modèle de relation gagnant-gagnant qu’il propose pouvait s’appliquer intégralement à la vente.

Qu’est-ce qui vous a particulièrement attiré dans la méthode de communication de Thomas Gordon?

J’ai participé à la formation Leaders efficaces, à titre de directeur. J’y ai appris comment mieux communiquer et résoudre les problèmes avec mes employés pour favoriser leur satisfaction et leur productivité au travail. Je me suis rendu compte que tous les procédés que nous apprenions dans cette formation fonctionnaient dans toutes les relations, et en particulier dans les relations entre client et vendeur. En appliquant ces méthodes j’ai été tellement comblé, que j’ai eu le goût de retourner à la vente et de les y appliquer. Je me suis alors rendu compte que je pouvais réaliser plus de ventes, procurer davantage de satisfaction à mes clients tout en éprouvant beaucoup moins de stress.

Plus concrètement, qu’avez-vous appris dans le cours avec Thomas Gordon que vous avez appliqué dans la vente?

D’abord, je me suis rendu compte à quel point les vendeurs n’écoutent pas. Et pourtant, l’écoute est l’outil le plus important pour découvrir les besoins du client et ensuite lui donner l’occasion de les satisfaire. Bien sûr, les vendeurs écoutent mais ils écoutent en général avec un filtre: ils écoutent ce qu’ils veulent bien entendre avec l’idée de pousser leur produit comme réponse à ce qu’ils ont entendu. C’est une écoute sélective et non une écoute active. L’écoute active que j’ai appris avec Thomas Gordon est une écoute ouverte, qui permet au client de se définir, de clarifier ses propres besoins au fur et à mesure qu’ils lui viennent à l’esprit. Et depuis que j’emploie cette approche, je dois vous dire que j’écoute beaucoup plus mes clients. Bref, dans un entretien de vente je consacre les trois quarts du temps à écouter le client.

Comment cela se manifeste-t-il dans un entretien de vente?

Et bien, dans la vente traditionnelle le vendeur écoute un peu, disons une phrase ou deux et tout de suite il présente sa solution pour ce besoin que le client vient d’exprimer. Par exemple, si le client dit «J’aimerais avoir une chambre spacieuse et bien éclairée.», aussitôt le vendeur dit: «Ah, mais vous allez voir que nous avons les plus grandes chambres, les plus belles et les mieux éclairées.»

Quand on écoute, on laisse le client définir ses besoins au complet avant de lui offrir quoi que ce soit. On évite d’interrompre ainsi le processus même de prise de décision du client.

Il me semble alors très important de ne pas faire intrusion dans le processus de réflexion et de choix du client?

En effet, le vendeur prend habituellement en mains la conversation et l’amène dans la direction qu’il veut et il pense qu’ainsi il va vendre. Il tire ou pousse le client vers la solution prédéterminée qu’il a en tête. C’est tout à fait aberrant, ce n’est pas une façon d’être au service de son client. Il est nécessaire de procéder de façon complètement différente si on veut véritablement lui offrir la qualité du service dont on parle tellement aujourd’hui.

Alors pour ce faire, le vendeur doit écouter abondamment le client sans l’interrompre, sans le biaiser, sans interpréter ses besoins à sa façon. Le vendeur doit être tout simplement présent et bien remplir son rôle de consultant ou de facilitateur de la prise de décision. Une façon de mieux remplir ce rôle consiste par exemple à examiner avec le client une grande variété de solutions et non de se limiter à la solution préétablie qu’on aurait en tête.

Est-ce que cela ne complique pas le travail du vendeur?

Ce que le vendeur peut trouver compliqué c’est de changer sa méthode! Mais cette nouvelle approche de la vente est en réalité beaucoup plus facile. Par exemple, le vendeur efficace n’a pas à apprendre des présentations par cœur. Ce n’est pas au client à suivre la présentation mais plutôt au vendeur de suivre la réflexion du client.

Lorsque que ses besoins ont été bien définis et que vient le moment d’examiner plusieurs solutions, le vendeur doit être prêt à les envisager avec le client, c’est là que la préparation peut s’avérer utile. Par exemple, le vendeur doit connaître tous les produits, les prix et les services offerts par ses concurrents. Le vendeur efficace doit être prêt à examiner avec le client le service qu’il lui offre et d’autres services qui lui sont offerts et le laisser décider sans mettre de pression. Au contraire, le rôle de facilitateur consiste à aider le client à décider ce qui est le mieux pour lui. Et moins le vendeur exerce de pression sur le client pour qu’il décide d’adopter son produit, plus le client a confiance en son service.

Vous n’allez tout de même pas me dire que je devrais lui conseiller d’acheter ailleurs?

Mon rôle reste de l’aider à prendre la meilleure décision possible. Et pour ce faire, je dois être prêt à regarder avec lui ce que nous lui offrons et ce que d’autres lui offrent. Par exemple, dans une compagnie où j’ai formé plus d’une centaine de vendeurs et vendeuses, les vendeurs ont à leur disposition sur ordinateur tous les prix et les modèles vendus par les autres compagnies qui vendent des produits semblables. Lorsque le client se pose des questions sur le prix et le service offert ailleurs, la vendeuse lui propose: «Voulez-vous savoir combien cela vous coûterait chez nos concurrents? J’ai tout cela à mon ordinateur devant moi.» Et elle lui dit exactement combien cela lui coûterait ailleurs.

Comment cela influence-t-il la décision des clients?

Tout d’abord cela leur donne une grande confiance envers le vendeur qui est prêt à examiner avec lui les produits semblables offerts sur le marché, sans exercer de pression pour qu’il achète chez lui. Souvent cela leur donne une raison additionnelle d’acheter chez lui. Puis, évidemment, plus de 85% du temps, ils achètent de cette compagnie parce que cette compagnie offre le meilleur service au meilleur prix. Dans les quelques rares exceptions, par exemple, lorsqu’un client a besoin d’un service particulier, en petite quantité, il peut trouver avantageux d’acheter chez un concurrent et le vendeur n’hésite pas à lui dire: «Dans votre cas, je crois que vous économiserez si vous vous procurez ce service ailleurs.» Après un tel entretien de vente, le client garde l’impression que ce vendeur est véritablement honnête, ouvert et au service du client.

Votre méthode va révolutionner complètement la profession de vendeur?

Nous l’espérons, bien sûr et nous croyons que ce sera pour le mieux. Le vendeur doit d’abord désapprendre les étapes de la vente qu’il a apprises — introduction, présentation, réponse aux objections, conclusion, etc. Toutes ces étapes sont conçues du point de vue du vendeur, comme si il opérait le client, comme un chirurgien opère un patient qui reste le plus passif possible. Quand le client se réveille, il se demande souvent «Qu’est-ce que le vendeur m’a fait?» Et comme le vendeur est l’agent le plus actif dans la conversation, le client a souvent l’impression de s’être fait rouler ou s’être fait vendre quelque chose, qu’il n’a pas pris la décision active d’acheter.

Le vendeur efficace doit apprendre à jouer un rôle secondaire, mais très utile, celui de facilitateur de la prise de décision du client. C’est alors le client qui joue le rôle principal et qui parle le plus. Et nous n’apprenons pas les étapes de la vente mais les étapes de prise de décision du client. Nous aidons l’acheteur à franchir ces étapes. Nous ne devançons pas le client, nous le suivons. Nous ne disons pas au client: «Cela sera bon pour vous! C’est pour votre bien, comme disait ma mère quand elle voulait me faire faire ce qu’elle avait décidé!» Nous l’aidons à définir précisément ces besoins, nous lui offrons en toute intégrité l’information dont il a besoin. Nous l’aidons à examiner un éventail de solutions et en peser les avantages et les inconvénients et à prendre la décision qui lui apportera la plus grande satisfaction.

C’est une approche tout à fait différente de celle des vendeurs qui me contactent habituellement!

Notre approche rend le travail du vendeur beaucoup plus intéressant et plus satisfaisant. Par exemple, dans les étapes de la vente traditionnelle, le vendeur se prépare à «réfuter les objections». Pour nous, les objections n’existent pas, nous n’avons donc pas à les réfuter. Dans la vente traditionnelle, le client a naturellement des objections puisqu’il résiste à la pression que le vendeur exerce sur lui pour le convaincre qu’il devrait acheter son produit ou se procurer son service. Mais lorsque je suis à son écoute, il n’y a pas d’objection, je n’ai donc pas à les convaincre. Non seulement, cela enlève de la pression sur le client, mais cela élimine un stress considérable chez le vendeur.

Question importante! Avec cette méthode vendez-vous plus?

Avec cette méthode, on vend plus et mieux. Notre objectif n’est pas de conclure une vente mais d’établir avec le client une relation fondée sur la confiance, le respect, l’intégrité et l’ouverture. Nous inversons la réaction habituelle que les clients ont envers les vendeurs. Habituellement les clients fuient les vendeurs; s’ils pouvaient s’en passer totalement, ils le feraient. Ils craignent qu’on leur fasse acheter des produits ou des services dont ils n’ont pas vraiment besoin. Avec notre approche, au contraire, les clients nous recherchent, ils se sentent en sécurité, dans une relation où ils conservent leur autonomie et leur liberté. Ils sentent que nous sommes à leur service. Ils nous consultent quand ils ont des problèmes. Ils aiment que nous prenions contact avec eux. Ils apprécient notre aide. Les vendeurs qui ont participé à nos formations augmentent considérablement leur chiffre de ventes et réduisent sensiblement leur stress. Ils sont encore plus motivés à rencontrer leurs clients et sont persuadés de leur rendre un service de qualité.

Je connais plusieurs vendeurs et plusieurs compagnies qui aimeraient pouvoir en dire autant. Avez-vous autant de succès partout?

Nous formons des vendeurs dans tous les domaines, des gens qui vendent des produits très concrets, comme des maisons, des meubles, des autos, des ordinateurs, des services sophistiqués comme des services de comptabilité, de communication, d’informatique ou d’ingénierie, et même des services publics sous toutes les formes. Nous appliquons notre méthode à la vente directe, la vente par téléphone, le service à la clientèle ; nous avons un cours spécifique pour les préposés au service à la clientèle. Nous formons évidemment surtout des vendeurs qui entretiennent des relations à long terme car c’est là que les résultats sont les plus remarquables. Le plus grand défi que nous ayons relevé a été de former des représentants qui venaient de se voir confier une mission particulière : reconquérir chacun un client qui achetait auparavant pour plusieurs dizaines de millions par année et qui achetait maintenant chez un concurrent. Je suis fier de vous dire que, quelques mois après, le niveau de confiance de ces clients envers cette compagnie a augmenté considérablement et que plusieurs d’entre eux ont déjà commencé à leur vendre des produits et des services. Leur secret a consisté à écouter beaucoup le client, à accepter son point de vue tel quel et à agir comme facilitateur de leurs décisions, sans exercer la moindre pression.

Quel est l’avenir de la profession de vendeur?

Les clients sont mieux informés; ils ont un plus vaste choix de fournisseurs; ils doivent acheter des produits de plus en plus complexes. On ne peut acheter une voiture, un ordinateur, une maison, une assurance sans l’aide d’une personne compétente. La vente entre entreprises de produits et de services complexes requiert des professionnels — ingénieurs, biologistes, programmeurs, assureurs, etc. — à la fois versés dans leur science et dans l’interaction avec les clients. La mondialisation des marchés est un autre facteur qui requiert la formation de vendeurs efficaces, qui deviennent de véritables partenaires de leurs clients.

Les entreprises, les professionnels et même les institutions gouvernementales transformeront radicalement leur attitude s’ils développent l’approche-client pour assurer leur réussite et même leur survie.

 

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