Marie Mirgalet (Ecole Maternelle Parmentier, Marseille 1er)
Chantal Renaud (Ecole primaire Major Cathédrale, Marseille 2ème)
Philippe Pesteil (Coordonateur REP La Calade)
Lisa Tichané (Planning Familial des Bouches-du-Rhône)
Pour un bilan complet (et notamment le bilan personnel de chaque enseignante), se référer au document « Adaptation du programme PRODAS au contexte local du Centre Ville de Marseille – Bilan des deux premières années d’expérimentation »
Les principes du PRODAS
Le PRODAS (Programme de développement affectif et social) est un programme québécois de prévention précoce qui vise à favoriser le bien-être et prévenir les violences en développant les compétences psychosociales. Il a été testé et validé à grande échelle au Québec.
Il agit de façon coordonnée sur 3 facteurs essentiels du développement humain : la conscience de soi, la réalisation de soi (et donc l’estime de soi) et l’interaction sociale. C’est un programme pédagogique qui permet un travail de long terme avec les enfants dès le plus jeune âge (4 ans) et tout au long de la scolarité.
Le PRODAS peut se définir comme une méthodologie éducative et préventive de développement de la personne, basée sur l’expression des ressentis. Il est conçu pour aider les jeunes à se comprendre et se respecter eux-mêmes pour ensuite comprendre et respecter les autres. Il vise à favoriser l’autonomisation et la responsabilisation des enfants.
La méthodologie PRODAS repose sur un outil central (même s’il n’est pas unique) dit « cercle de paroles PRODAS magique ». Ce cercle de paroles PRODAS est un groupe de parole assorti de règles précises destinées à garantir le cadre d’une communication « idéale » et authentique. Chaque cercle de paroles PRODAS s’articule autour d’un thème issu de l’un des 3 facteurs de développement humain (conscience de soi, réalisation de soi, interaction sociale). Le programme est conçu afin que chacun des facteurs soit travaillé de manière progressive. L’objectif étant qu’à la fin du programme les participants comprennent les règles d’une communication efficace, aussi bien dans le cercle de paroles PRODAS que dans leur vie quotidienne.
En bref, le PRODAS donne l’occasion – quelquefois unique – aux enfants d’apprendre à exprimer leurs sentiments, à mieux se connaître, mieux s’accepter les uns les autres, et favorise ainsi des attitudes constructives plutôt que destructives.
(Pour une présentation complète du programme, se référer au bilan original des deux premières années d’expérimentation).
Le déroulement de l’expérimentation
L’adaptation du programme PRODAS au contexte local du centre ville de Marseille a fait l’objet d’une première mise en œuvre expérimentale sur deux ans, qui a débuté avec l’année scolaire 2005-2006 et s’est poursuivie pendant 2 ans dans deux écoles pilotes du centre ville de Marseille : l’école maternelle Parmentier (Moyenne et Grande Section de maternelle) et l’école primaire Major Cathédrale (CP et CE1). L’expérimentation se poursuit à l’heure actuelle dans ces deux écoles, et s’est étendue à 6 classes des quartiers Nord de Marseille (sur les cycles 1, 2 et 3, ainsi que sur des classes de 6e et 5e).
La formation
Le PRODAS est un programme pédagogique. Sa construction se base sur le principe que les animateurs du PRODAS sont les personnes qui sont quotidiennement au contact des enfants : les enseignants eux-mêmes.
Il repose sur la capacité des animateurs-trices à garantir un cadre de parole et à transmettre des attitudes dites « positives ». Ils/elles doivent être également en mesure de s’impliquer dans la parole tout en encourageant l’expression des ressentis.
Animer un cercle de paroles PRODAS PRODAS ne s’improvise donc pas, une formation est nécessaire afin :
– de comprendre le programme dans son ensemble et travailler les trois facteurs du développement humain qui y sont traités (conscience de soi, réalisation de soi, interaction sociale)
– de travailler ses « attitudes d’écoute », de synthèse et de reformulation
– d’expérimenter les outils, notamment le « cercle de paroles PRODAS »
– d’apprendre à « s’impliquer » personnellement dans l’expression des ressentis
– de co-construire et mener l’évaluation du programme
Pour ce faire, le Planning a élaboré une formation de 5 jours, au cours de laquelle ont été abordés les aspects théoriques et pratiques du programme.
Les enseignants qui portent les expérimentations en cours ont tous bénéficié de cette formation qui – pour des raisons techniques – a été organisée hors temps scolaire, ce qui montre leur forte implication dans ce programme.
La mise en œuvre
Au Québec, les séances ont lieu une fois par jour pendant ½ heure, toute l’année, pour les enfants de 4 ans jusqu’à 12 ans, en demi-groupe classe.
Le programme a été adapté pour être mis en place 1 fois par semaine pendant 2 ans. Les séances sont animées en alternance par l’enseignante et l’animatrice du Planning Familial.
En cours d’année, des séances d’analyse de la pratique pour les enseignantes animant le programme sont organisées afin de faire le point, de travailler d’éventuelles difficultés et de réorienter le programme le cas échéant.
L’évaluation
Elle a été conduite à 3 niveaux :
Evaluation de la mise en œuvre du programme (processus)
A l’issue de chaque séance, une fiche d’évaluation est remplie par l’enseignante et l’animatrice. Cette fiche évalue différents critères : la dynamique de groupe (l’intégration des règles, le respect de la parole, le degré de participation…), la pertinence du thème de la séance, l’animation de la séance…
Elle permet aussi de faire d’éventuelles observations individuelles (noter les progrès visibles d’un enfant au cours d’une séance donnée), et de noter des remarques utiles pour les séances suivantes (points à retravailler…). En fin d’année, la synthèse de ces fiches permet de faire un bilan de la mise en œuvre des séances.
Evaluation individuelle des enfants participant au programme
Une fiche individuelle par enfant a été remplie conjointement par l’enseignante et l’animatrice, au début et à la fin de l’année scolaire. Cette fiche permet d’évaluer, sur une échelle de 1 à 10, le niveau atteint par l’enfant sur 10 critères. L’objectif de cette fiche n’est pas d’évaluer l’enfant lui-même, mais ses progrès au cours de l’année. Les critères comprennent certains éléments du livret scolaire, et d’autres indicateurs élaborés à partir des objectifs pédagogiques du programme.
Evaluation de l’évolution des enfants hors du cadre des séances
L’intérêt de ce critère est de se rendre compte si, au-delà de l’évolution de l’enfant au sein du cadre privilégié du programme, les séances ont un impact sur sa vie quotidienne. Les enseignantes ont évalué, en cours et en fin de l’année, l’éventuel impact qu’elles avaient pu ressentir au sein de la classe, hors du cadre des séances : cohésion de classe, concentration, interaction entre les élèves, diminution des tensions ou des comportements violents, impact sur les résultats scolaires etc…
Par ailleurs, les parents d’élèves ont été informés de la mise en œuvre du programme, et la réunion de fin d’année à l’école Major Cathédrale a aussi permis de recueillir leur ressenti sur l’évolution du comportement de leurs enfants hors du cadre scolaire.
Les items d’évaluation rejoignent les capacités et attitudes recherchées par le socle commun de compétences dans ses piliers 6 et 7 (voir conclusion en page 5-6) : respecter les règles, savoir écouter et communiquer, faire valoir son point de vue, savoir reconnaître et nommer ses émotions, pouvoir s’affirmer de manière constructive, se respecter soi-même, respecter les autres, vouloir résoudre pacifiquement les conflits…
Résultats des 2 premières années d’expérimentation
L’analyse des différents outils d’évaluation, confirmée par les observations des enseignantes tout au long de ces deux années, nous permet d’affirmer au bout de cette expérimentation que le programme PRODAS dans son adaptation locale permet effectivement :
- De favoriser les échanges et l’écoute entre les enfants
- D’acquérir les moyens de se positionner face aux autres
- De favoriser l’acquisition ou le maintien d’une bonne estime de soi
- De favoriser la rencontre et l’accès à une meilleure compréhension des autres
Ces compétences sont bien sûr encore en cours d’acquisition (le programme a été construit pour être travaillé tout au long de la scolarité) mais les progrès sont évidents sur l’ensemble des 2 groupes classe.
L’analyse des grilles d’évaluation individuelle montre une nette progression des enfants sur tous les items évalués.
En maternelle, les enfants ayant suivi la totalité du programme passent en 2 ans d’un niveau moyen de 3.1/10 à 9/10. Cette progression forte s’observe aussi bien chez des enfants dont le niveau de départ était élevé que très faible.
Les progressions les plus fortes s’observent sur les compétences qui étaient estimées au plus bas au début de l’expérimentation : expression du ressenti, estime de soi, non-jugement.
En primaire, tous les enfants ont progressé (en moyenne de 3.6 points sur 10) même si les niveaux sont plus disparates. Les deux compétences les plus hautes pour l’ensemble du groupe à la fin des 2 ans sont l’écoute et le non-jugement, alors que ces deux items étaient justement les plus bas lors de l’évaluation de départ.
9 enfants terminent le cycle de 2 ans avec un niveau estimé à 10/10 sur certains critères (écoute et reformulation, participation orale, respect des règles, expression du ressenti et surtout non jugement).
Enfin, il est à noter que les enfants qui sont arrivés en cours d’expérimentation (et n’ont donc bénéficié que d’une année de programme) ont un niveau de fin d’évaluation significativement inférieur à leurs camarades, ce qui tend à confirmer l’intérêt du travail sur la durée.
Les enseignantes ont pu confirmer que ces résultats chiffrés correspondent avec les compétences qu’elles ont vu évoluer chez les élèves y compris hors du cadre des séances.
En guise de synthèse, les enseignantes ont conclu que le programme a permis, en 2 ans, à TOUS les enfants :
- De verbaliser des ressentis peu exprimés dans la vie quotidienne
- De se familiariser avec un vocabulaire nouveau
- De mieux se connaître, et savoir exprimer ce qu’ils ressentent en employant les mots adéquats pour décrire leurs émotions
- D’établir une communication avec des règles différentes
- De s’exprimer devant les autres avec plus de facilité, en se laissant moins influencer par les récits des autres
- De développer des capacités à s’adapter à un contexte différent
- De se centrer sur eux-mêmes
- De faire confiance à ce qu’ils ressentent
- D’écouter le ressenti de leurs camarades et de certains adultes, sans jugement
- De développer une attention particulière à ce que les autres expriment, pensent, vivent
- De prendre conscience de l’influence des mots et des attitudes que l’on a sur les autres
- De prendre conscience des similitudes et des différences de ressentis entre les autres et soi
Pour la classe
- Au bout de 2 ans, les enseignantes constatent que les enfants sont visiblement heureux d’être en classe : ils se connaissent mieux les uns les autres, leur attitude avec l’enseignante est très proche. Dans les deux sens, une relation de confiance s’est instaurée.
- Dans les deux classes, une véritable solidarité entre les enfants s’est développée. Ils coopèrent, s’entraident, et gèrent plus facilement les conflits par la parole.
Pour les adultes
Une conclusion très importante de ces deux premières années d’expérimentation est sûrement celle-ci : le PRODAS est certes bénéfique pour les enfants, mais il apporte aussi des outils et un savoir-être qui permettent un vrai changement de pratiques pour les professionnels.
Les enseignantes témoignent mieux connaître leurs élèves grâce à ses séances, être plus à l’écoute des ressentis dont elles favorisent l’expression à tout moment de la semaine, gérer les conflits différemment en intégrant les acquis du cercle de paroles PRODAS.
Vis-à-vis des parents aussi, les enseignantes estiment que le PRODAS leur a permis de développer une écoute différente qui facilite le développement d’une relation de confiance.
Enfin, enseignantes et animatrices ont témoigné du plaisir qu’elles avaient trouvé dans l’animation de ce programme (« moment préféré de la semaine »), ce qui n’est pas le moindre résultat de cette expérimentation.
Conclusion : Lien entre le PRODAS et le socle commun de compétences
Quelle place pour le Programme de Développement Affectif et Social (PRODAS) dans la mise en œuvre du Socle commun de compétence à l’école et au collège ?
Par Philippe Pesteil, Secrétaire du comité exécutif du réseau Ambition réussite Arthur Rimbaud.
Les éléments ci-dessous constituent une brève synthèse de la réflexion qui m’a conduit à proposer l’expérimentation d’un cycle PRODAS en lien avec la mise en œuvre du socle commun de compétences au collège, dans le cadre du réseau Ambition réussite Arthur Rimbaud.
L’école a deux missions : enseigner et éduquer
Le socle commun s’organise en sept compétences :
- la maîtrise de la langue française ;
- la pratique d’une langue vivante étrangère ;
- les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique ;
- la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication ;
- la culture humaniste ;
- les compétences sociales et civiques ;
- l’autonomie et l’esprit d’initiative.
Si les cinq premières compétences du socle relèvent d’apprentissages strictement scolaires, les deux dernières en revanche appartiennent au domaine de l’éducation dans son acception la plus large.
Ces deux compétences constituent en effet les bases d’une action éducative indéfectiblement liée à la réussite scolaire attendue en fin de la scolarité obligatoire.
Elles sont cependant le fruit d’une « éducation partagée » mise en œuvre par l’ensemble des acteurs qui interviennent auprès de l’enfant au premier rang desquels se trouvent les parents et la famille, les acteurs de l’institution scolaire et également tous ceux qui sont en lien avec l’enfant durant son temps libre, qu’ils soient professionnels ou bénévoles.
Elles couvrent plusieurs aspects liés les uns aux autres tels que l’estime de soi et la confiance en soi, la capacité à vivre en société, à entrer en relation avec autrui ou encore l’acquisition d’une capacité d’insertion scolaire et professionnelle.
A plus d’un titre l’inscription de ces 2 groupes de compétences dans le socle commun conforte la mission d’éducation de l’école obligatoire.
Pour autant la mise en œuvre effective d’une pédagogie propre aux deux derniers groupes de compétences ne va pas de soi. En effet, ces compétences sont plus difficiles à définir que les contenus disciplinaires stables (maîtrise de la langue, mathématiques…) des 5 autres piliers. Par ailleurs, la question est de savoir si, à l’école comme au collège, les enseignants se trouvent suffisamment « équipés » pour à la fois élaborer, conduire et évaluer les apprentissages propres à ces deux domaines de compétences.
Le PRODAS propose des outils fiables en matière de développement des compétences psychosociales des élèves, à l’école comme au collège
Avant tout le PRODAS vise des objectifs ouvertement compatibles avec les compétences du socle
- Tout d’abord, en travaillant à la fois sur la conscience de soi et l’estime de soi, le programme permet à l’élève de développer en matière d’autonomie les attitudes ainsi décrites dans le socle : « avoir la volonté de se prendre en charge personnellement ; avoir conscience de l’influence des autres sur ses valeurs et ses choix »
- Ensuite en agissant dans le domaine de l’interaction sociale le programme permet d’embrasser une grande partie des connaissances, capacités et attitudes concernant le domaine « vivre en société » comme le résume le tableau en annexe:
En second lieu on peut penser qu’à terme la mise en œuvre de ce programme pourrait avoir un effet bénéfique sur la réussite des élèves dans l’ensemble des compétences du socle en agissant sur les deux facteurs suivants :
- de manière directe par le renforcement de l’estime de soi
- de manière indirecte par l’amélioration du climat de la classe
- notamment lorsqu’ils sont confrontés à l’échec.
Il est clair que les objectifs du PRODAS sont moins préventifs (même s’il est question de favoriser la promotion du bien-être de l’enfant) que psychopédagogiques : il s’agit plutôt de construire des apprentissages et de créer pour tous les élèves les conditions d’une scolarité réussie.
Enfin il apparaît que la formation comme la mise en œuvre de ce dispositif en classe ne saurait être sans effet sur les pratiques des enseignants eux-mêmes, en leur permettant notamment de :
- privilégier une attitude d’ « écoute positive », c’est-à-dire centrée sur la personne plutôt que sur le problème qu’elle expose, et fondée sur l’idée que celle-ci détient sa propre solution
- favoriser une communication non-violente fondée sur un ensemble de règles et d’attitudes simples : neutralité bienveillante de l’écoutant, reformulation
Les observations recueillies aussi bien auprès d’enseignants chevronnés que débutant dans le métier font état de transformations significatives de leur capacité d’écoute et de la façon de considérer les élèves,
VIVRE EN SOCIETE | ||
Connaissances | Compétences | Attitudes |
– connaître les règles de la vie collective
– comprendre que toute organisation humaine se fonde sur des codes de conduite et des usages dont le respect s’impose – connaître la distinction entre sphères professionnelle, publique et privée
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– respecter les règles, notamment le règlement intérieur de l’établissement
– communiquer – reconnaître ses impressions – nommer ses émotions, – savoir écouter – s’affirmer de manière constructive – faire valoir son point de vue – travailler en équipe – négocier, rechercher un consensus – accomplir sa tâche selon les règles établies en groupe – évaluer les conséquences de ses actes
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– se respecter soi-même
– respecter les autres (civilité, tolérance, refus des préjugés et des stéréotypes) – respecter l’autre sexe – respecter la vie privée – vouloir résoudre pacifiquement les conflits
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