La psychothérapie demeure encore un domaine où on sépare difficilement l’expérience de la croyance. Depuis des décennies, on tente de distinguer l’art de la science, les facteurs essentiels des styles personnels. Les nouvelles recherches sur la communication mettent en relief la différence cruciale entre la forme utilisée et l’effet produit. Cet ouvrage se situe au coeur de cette question et replace la psychothérapie dans une perspective interpersonnelle.
La plupart des psychothérapeutes appartiennent à une école, pour ne pas dire à une chapelle, et les discussions professionnelles portent beaucoup plus souvent sur la forme que sur le fond. Le présent ouvrage nous incite vigoureusement à réviser nos positions et à distinguer le résultat du style de l’intervention.
Les nombreux extraits textuels de sessions de thérapie individuelle et en groupe nous amènent à constater les effets bénéfiques de plusieurs formes d’intervention, jusqu’à maintenant considérées comme tabous. Leur efficacité montre qu’elles répondent souvent plus directement aux besoins du client que les réponses dites «thérapeutiques». Évidemment pour en saisir toute la portée, il vaudrait mieux assister en personne à de tels entretiens; mais déjà la lecture de ce livre nous amène à reconsidérer notre définition de «ce qui est bénéfique pour le client».
Au quart du siècle, on attribuait l’efficacité du thérapeute à sa capacité d’analyser la situation du client et à y trouver l’évènement déclencheur de sa dynamique personnelle. Au milieu du siècle, des recherches expérimentales ont démontré que la considération et la compréhension envers le client, mais surtout l’authenticité du thérapeute, demeuraient les clés de son efficacité.
Imiter ou s’engager ?
Aussitôt après avoir lu ces comptes-rendus de recherche, les thérapeutes et les étudiants se sont mis à employer la forme extérieure de la compréhension qui était l’élément le plus facile, en oubliant quelquefois la considération et en négligeant le plus souvent la congruence.
Dans mes rencontres avec les thérapeutes, je suis sans cesse étonné d’entendre deux versions parallèles de toute entrevue difficile. Les thérapeutes me parlent invariablement de ce qu’ils ont dit au cours de l’entretien et de ce qu’ils auraient dit s’ils avaient «suivi leur intuition»: c’est un exemple flagrant de lutte pour l’authenticité et donc pour l’ efficacité. Dans mes supervisions je les guide à combler cet écart et retrouver la pleine possession de leurs moyens.
Cet ouvrage montre comment on obtient plus de résultats lorsqu’en sortant de l’entrevue, il ne reste rien qu’on aurait aimé dire. C’est ce contact direct avec soi et avec le client, qui assure l’efficacité maximale.
Un test d’intégrité!
Ces interventions illustrent aussi l’audace et les risques que le thérapeute aura à prendre pour susciter un changement. Il osera déstabiliser le client pour le placer dans un état favorable à la transformation. Il risquera par exemple, de se faire détester pendant quelques instants ou quelques rencontres pour obtenir un résultat final valable.
La lecture de cet ouvrage amène invariablement à se demander si ses interventions visent à éviter toute controverse avec le client et à s’assurer qu’il nous trouve gentil.
Je propose qu’on lise cet ouvrage avec intégrité, qu’on accorde toute son attention à cette approche, qu’on juge l’arbre à ses fruits et qu’on qualifie de «thérapeutique» une approche qui commence par une provocation et suscite un changement créateur, une réalisation du potentiel de la personne.
En prime, la lecture de ce livre permet de se payer une pinte de bon sang et de découvrir que l’humour est une ressource à considérer sérieusement en thérapie.
Je souhaite que cette nouvelle forme de thérapie suscite un approfondissement et une transformation des notions d’authenticité, d’efficacité et de réalité, non seulement en thérapie, mais dans toute relation.